Démocratie au 21ème siècle
Qu’est-ce que la démocratie ?
Derrière un terme simple, usuel, il existe un monde entier de nuances et de concepts. Y a-t-il d’ailleurs une démocratie ?
Sauf quelques exceptions, la plupart des Nations suivent aujourd’hui cette forme de gouvernance. Dans le même temps, on note un nombre croissant de mouvements contestataires et un rapport récent indique que le niveau démocratique régresse à travers le monde. Devant ce constat perturbant il nous semble important de redéfinir la démocratie puis de parler des crises rencontrées en Occident.
Deux formats de lecture : un court pour les plus press·ées et un format long pour plus de détails.
We vote every four or so years for candidates about whom we know little
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Formulée simplement, la démocratie moderne donne corps aux concepts d’égalité et de liberté. La démocratie est un système de gouvernance, c’est à dire qui structure la prise de décisions et l’organisation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire au sein d’une Nation.
Il existe deux formes de démocratie : directe et représentative. La différence réside principalement dans la délégation ou non des pouvoirs à des représentant·es. En démocratie directe, les citoyen·es exercent directement le pouvoir tandis que la forme représentative implique le transfert des pouvoirs à ces représentant·es. Les pouvoirs de ceux-ci sont alors contrôlés par d’autres organes. Dans tous les cas, une démocratie repose sur le respect de l’opinion de tou·tes ; opinions exprimées par exemple lors d’élections (visiter le site Démocratie Directe pour une critique sémantique).
Sur la décennie passée, l’Intelligence Unit du groupe The Economist dénote une dégradation du niveau démocratique à travers le monde (rapport 2019 Democracy Index). Dans un monde où la démocratie s’exprime uniquement sous sa forme représentative, on dénote deux crises : l’une dite de représentation (la légitimité des représentant·es est contestée) et l’autre, dite de participation (apathie politique des citoyen·nes).
Ces crises sont liées notamment aux abus de pouvoirs de nos représentant·es (Wikipédia ou Mediapart, exemples pour la France) qui peut-être laissent les citoyen·es désabusé·es. D’autre part, nombre de problèmes sociétaux sont aujourd’hui délaissés à des « expert·es » (Think Tanks et Lobbys), fonctionnant au sein d’entités privées échappant à tout processus démocratique (revue non partisane sur le site France Stratégie). Les citoyen·nes se retrouvent étranger·es à la participation politique.
Ces crises peuvent trouver solution. L’une de ces solutions résiderait dans une revalorisation de la participation citoyenne. Le·a citoyen·ne serait ainsi invité·e à participer aux réflexions autour des problèmes sociétaux aux côtés d’expert·es, moyennant par exemple une formation.
Source : Democracy Index 2019, carte constituée avec WordPress Visualizer, © RealisticHuman
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Introduction
Une démocratie désigne une forme d’organisation politique où les citoyen·es détiennent le pouvoir et se gouvernent elleux-mêmes. Le concept moderne de démocratie est basé sur celui d’égalité, formulé au sein de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
La gouvernance des citoyens au sein d’une démocratie se fait soit par voie directe ou sous une forme représentative.
Dans le cas d’une démocratie directe, les citoyen·es exercent directement le pouvoir, sans représentant·es et s’expriment directement en utilisant différents moyens. L’un de ces moyens est le référendum. Le vote, qui est à distinguer de l’élection est un autre moyen d’expression de l’opinion citoyenne (le site Démocratie Directe est une source claire pour en apprendre plus sur ce format de démocratie).
Dans le cas d’une démocratie représentative, les citoyen·es élisent un ou plusieurs représentant·es lors d’élections. Ces représentant·es pourront constituer un organe détenant le pouvoir législatif ou exécutif et plus rarement, judiciaire. Ces représentant·es sont élu·es pour une durée déterminée. Un système plus ou moins direct permet aux citoyen·nes de contrôler l’exercice du pouvoir par ces représentant·es. La démocratie représentative moderne cherche à légitimer plus encore les représentant·es en séparant les pouvoirs législatif, exécutif et judicaire ; tout du moins à éviter que les pouvoirs soient concentrés, comme l’a formulé Montesquieu.
Démocratie au 21ème siècle
Au 21ème siècle et à quelques exemptions près, la gouvernance démocratique est uniquement exprimée sous sa forme représentative. Ceci est vrai au plus faible niveau (sur une commune) comme à plus large échelle (nationale ou fédérale).
En France sous la V ème république, les citoyens votent lors d’élections pour élire un·e président·e (pouvoir exécutif – lire note plus bas) et les membres de l’Assemblée Nationale (pouvoir législatif – partagé avec le Sénat) de manière directe. Le Sénat et le Gouvernement, eux, échappent totalement à l’opinion citoyenne. Ces organes politiques sont constitués par les représentant·es élu·es.
Elu·es ou non, un certain nombre de faits remettent en question l’investissement des représentant·e·s, ainsi que les choix des électeur·rices. On dénote en effet un nombre important d’affaires judiciaires impliquant ces représentant·e·s (enrichissement personnel, emplois fictifs entres autres, Wikipédia ou Mediapart). A ces affaires qui indiquent au moins un abus de fonction se combinent les problèmes d’absentéisme (site Nos Députés ou Mediapart) ou encore de clientélisme (émission France Culture). Il parait raisonnable de conclure que certains représentant·e·s ne poursuivent pas le mandat qui leur est octroyé. On rencontre à différentes intensités dans les pays occidentaux ces problèmes qui perturbent clairement le fonctionnement démocratique. Ces défauts sont en partie responsables de la crise de la représentation, illustrée par la force du mouvement des gilets jaunes (site France Culture) ou d’Occupy Wall Street aux Etats Unis. Dit autrement, une part importante des citoyens semble estimer que le pouvoir est trop dilué (IFOP).
L’abstention aux élections augmente au fil des années, comme l’indique le graphique ci-dessous pour la France. Les raisons de ce phénomène sont multiples. On peut toutefois pointer du doigt les abus de pouvoirs des représentant·es qui mènent à une déception des citoyen·nes puis finalement, à une apathie politique. Notons aussi le détournement de démocratie qui s’exerce via l’influence croissante des « expert·es » regroupé.es au sein de Think Tanks et Lobbys (groupes de pression). Ces entités non élues et privées (11650 lobbys en mars 2020 enregistrés auprès du Parlement Européen) affectent notamment l’exercice du pouvoir législatif (Corporate Europe). Le retrait du citoyen·ne de la vie politique se traduit en une crise de participation.
Source : site France Politique, carte constituée avec WordPress Visualizer, © RealisticHuman
Crise de la démocratie. Existe-il des pays démocratiques au 21ème siècle ?
On ne peut répondre simplement à la question. Afin de fournir plutôt une réponse réaliste, il faut estimer des variables fondamentales à la démocratie comme la participation, le pluralisme politique ou encore le respect des libertés individuelles. Le « Democracy Index » créé en 2006 tente de faire ceci (voir notes pour plus d’informations).
Le rapport Democracy Index 2019 tire les conclusions suivantes : sur la dernière décennie, le niveau démocratique régresse dans le monde. La France arrive d’ailleurs 20ème au classement ; la Belgique est 33ème. Loin d’être une réponse exhaustive, cet indice permet tout de même d’évaluer le niveau de démocratie des pays, c’est-à-dire à quel point une gouvernance se rapproche d’une « démocratie complète » (Full democracy, indice global > 8/10). Par exemple, la Norvège, l’Islande et la Suède se présentent comme les trois plus fortes démocraties (indice global > 9/10).
Source : Democracy Index 2019, carte constituée avec WordPress Visualizer, © RealisticHuman
En 2019 toujours, 22 pays présentent une « démocratie complète », représentant 5,7 % de la population mondiale. Pour reprendre l’exemple de la France : son rang au classement exprime une participation moyenne (participation = 7,78/10) et une culture politique faible (apathie, polarisation et délégation à des « experts ou technocrates », 6,88/10), en comparaison avec les pays limitrophes (Suisse 10ème, Allemagne 13ème, Espagne 16ème). Selon le rapport 2019 donc, le niveau démocratique varie beaucoup à travers le monde et seul un petit nombre de pays est reconnu comme « démocratie complète ».
Puisque le rapport cherche à répondre indirectement à la question de l’existence de pays démocratiques, il est intéressant de se pencher sur les définitions utilisées. Les auteurs définissent une « démocratie complète » de manière pragmatique comme celle où : le fonctionnement du gouvernement est satisfaisant (efficace) et surtout où le concept de liberté est respecté dans la société. On pourrait représenter ceci en une culture politique qui promeut la liberté en une chose vivante et active. Les auteurs indiquent de plus que sous une démocratie complète, les supports de l’information (médias) sont aussi divers et indépendants.
Si l’on accepte cette définition réaliste d’une démocratie et que l’on reconnait de plus que le modèle démocratique continue de se construire, on peut confirmer l’existence au 21ème siècle de Nations démocratiques. En bref, ces Nations sont celles qui promeuvent et protègent la liberté de tous, ce qui nécessite que ce concept soit internalisé par tou·tes les citoyen·nes.
On ne peut toutefois oublier les deux crises que rencontre le modèle démocratique. Le rapport Democracy Index et d’autres auteurs notent un vacillement de croyance en la démocratie (Journal of Democracy). Lorsque les responsabilités et pouvoirs sont abandonnés par les citoyen·nes à l’Etat et que ce dernier développe un système (législatif, médiatique, d’enseignement et économique) pour concentrer et justifier ses pouvoirs, sa légitimité s’effondre. Se pose alors la question de savoir quelles solutions peuvent être envisagées ?
Solutions
Il existe des solutions pour renforcer nos démocraties, dépolariser nos discours, faire vivre le concept de liberté à travers celui d’état de droit (Wikipédia).
Une solution consiste à (re)responsabiliser les citoyen·nes. Afin de pouvoir participer pleinement aux discussions aux côtés « d’expert·es », les citoyen·nes doivent avoir l’opportunité de se former en continu, à appréhender un monde en constante évolution, mais aussi à prendre des décisions de manière collective ou encore à développer et exercer un esprit critique. Cette formation des citoyen·nes puis leur inclusion réelle dans la gouvernance serait une initiative publique, promue et facilitée par les organes exécutifs et législatifs. En renforçant l’implication des citoyen·nes, un gouvernement gagne en légitimité et pourra agir avec force pour se concentrer à résoudre les défis de demain.
Bonheur & démocratie
Pour conclure cet article, il semble pertinent d’envisager une approche utilitariste. John Stuart Mill (Wikipedia) considère qu’il y a lieu de maximiser le bien-être collectif. Il existe justement un indice du bonheur (notes) qui est déterminé par un groupe de chercheurs indépendants.
Ces indices constituent une manière réaliste d’appréhender des situations complexes. Considérant qu’un régime politique affecte nécessairement la vie d’une Nation, il semble intéressant de s’intéresser à une possible corrélation entre l’efficacité d’un gouvernement, l’une des variables mesurées pour l’indice de démocratie (notes), et l’indice de bonheur. Cette corrélation fait par ailleurs l’objet de recherches diverses, que le World Happiness Report 2019 aborde.
Le graphique ci-dessous présente pour les 158 pays évalués l’indice de bonheur en fonction de l’indice d’efficacité d’un gouvernement pour l’année 2019. On observe une tendance positive (notes pour la corrélation). Plus un gouvernement est efficace, c’est à dire agit avec transparence et sans influence extérieure mais aussi sous le contrôle de l’organe législatif (pour ne citer qu’une partie), plus le bonheur est élevé.
Une corrélation ne doit pas être confondue avec un lien de cause à effet. Toutefois, les plus hautes valeurs d’indice de bonheur (> 7,5) sont évaluées en Finlande, Danemark et Norvège tandis que les pays aux valeurs les plus basses (< 3,5) sont l’Afghanistan, la République centrafricaine et le Soudan du Sud. Dans les premiers, on observe des démocraties complètes, au sens du Democracy Index tandis qu’on note des régimes autoritaires dans les seconds.
Il semble adéquat de soutenir que la démocratie, et plus spécifiquement la liberté qu’elle sacralise, constitue une variable majeure dans notre bonheur.
Source : World Happiness Report 2019, carte constituée avec WordPress Visualizer, © RealisticHuman
Sources supplémentaires & notes
- Wikipédia, Démocratie
- Vie Publique.fr site réalisé par la DILA (Direction de l’information légale et administrative), rattachée aux services du Premier ministre
- The Economist, Democracy Index . C’est un indice établi tous les ans par l’Economist Intelligence Unit. La France obtient la note de 8.12/10 en 2019. L’indice est calculé sur la mesure subjective de “electoral process and pluralism, the functioning of government ([efficacité du gouvernement]), political participation, democratic political culture and civil liberties”.
- Président de la République Française, pouvoir exécutif : bien que l’État rappelle que « le Gouvernement [organe collégial et solidaire composé de ministres placés sous l’autorité du Premier ministre] détient l’autorité politique », « en réalité, cette mission se répartit entre le Gouvernement et le président de la République qui, en France, se partagent le pouvoir exécutif ».
- Helliwell, J., Layard, R., & Sachs, J. (2019). World Happiness Report 2019, New York: Sustainable Development Solutions Network. Les auteurs du rapport déterminent un indice de bonheur en utilisant entres autres le PIB per capita, la force du tissu social (déterminée via la question « If you were in trouble, do you have relatives or friends you can count on to help you whenever you need them, or not?« ), la longévité ou la liberté d’agir. Il faut noter que cette mesure reprend des critères de l’indice de démocratie. Il existe donc une similarité méthodologique entre les deux indices. Se référer au rapport pour plus d’informations (page 25/136 notamment pour les critères de calcul).
Corrections & modifications
04-04-2020 : correction orthographe et révision structure (lisibilité & flow). Revue AA & WGR